Généraliser le mode cloud. La tentation est grande. Y compris d'y inclure les Managed Services. A priori, c'est tout bénéfice: choix, accès immédiat, paiement à l'usage… Mais les engagements ne sont pas les mêmes. Et quand on est habitué au support d'un prestataire de services -qui s'occupe de tout- la déconvenue peut être grande: devoir gérer un environnement devenu hybride, donc plus complexe, associant à des services fournis de lâextérieur ses propres systèmes, ainsi que dâanciennes applications.
Et là reviennent les questions de sécurité, dâintégrité des données et de disponibilité des services. Ce qui nous renvoie au rôle -majeur- dâintégration joué par les prestataires dâexternalisation… Une chose est sûre: lâaptitude à conseiller une entreprise sur la conception judicieuse dâun modèle dâexploitation qui fait intervenir de multiples fournisseurs de services devrait inaugurer une ère nouvelle dans le domaine de lâexternalisation !
Inutile de nier le caractère révolutionnaire, à plus dâun titre, des services métiers et technologiques fournis en mode cloud. Pour commencer, ce modèle réduit considérablement le prix du «ticket dâentrée». Sâagissant du coût de lâinfrastructure, lâarchitecture sur laquelle reposent les produits de tout prestataire digne de ce nom bat en brèche les idées reçues sur le coût du stockage des données, imposant comme une évidence de recourir à un prestataire en ligne plutôt que de gérer son propre centre de données privé. Mais le prix n'est pas tout.
Certains arguments en faveur du cloud reposent sur des hypothèses erronées. Ainsi, le fait de voir à travers ce modèle une sorte de libre-service informatique donne à penser que les offres en la matière nâexigent ni modification ni personnalisation. Pour une petite organisation, ce sera sans doute le cas. Pour une grande entreprise, non, excepté pour des processus élémentaires spécifiques ne requérant quâun faible degré de coordination.
Si l'on aborde les services de cloud computing comme on le ferait pour tout autre modèle d'externalisation, le verdict tombera vite: la gestion de services fournis n'est pas simple. D'autres expériences d'externalisation ont appris à certains que des cadres de gouvernance, de règles et de conformité doivent être mis en place pour assurer le succès des projets. Que leurs services soient fournis par des prestataires de services de cloud computing ou de services gérés, des départements informatiques internes ou une combinaison de tout ou partie de ceux-ci, les consommateurs ont besoin d'outils efficaces pour acheter des services, les modifier et évaluer leur qualité, leurs performances, leur disponibilité, leur utilisation et leur coût. Il leur faut une solution de gestion des services.
Lâidée que le cloud simplifie automatiquement les services est elle aussi trompeuse, même lorsquâil sâagit de se procurer une puissance informatique brute. Certes, une entreprise a la possibilité dâacquérir de lâespace de stockage et dâexploiter des applications en louant de la capacité sur des serveurs. Mais il faut alors être capable de gérer de multiples prestataires externes. Et le vouloir. Est-ce votre cas ?
Enfin et surtout se pose la question non négligeable de lâintégration des services, appelée à gagner en complexité à mesure que les prestataires se multiplieront. Une intégration pour lâheure absente du modèle dâexploitation de la plupart des prestataires…
Ici, pas de négociation… Ou très peu !
Si, conceptuellement, le cloud computing est une forme d'externalisation, il en diffère par trois caractéristiques: câest un nouveau modèle technique, un nouveau modèle économique et, enfin, un nouveau modèle juridique.
Ce nouveau modèle juridique se traduit par un renversement de paradigme quâil est essentiel de bien intégrer pour aborder le mode cloud avec une vision juridique saine. Dans la contractualisation informatique classique, il y a négociation entre lâentreprise cliente et son fournisseur de clauses bien connues. Sâagissant des contrats de cloud computing, il nây a pas de négociation -ou très peu. Ce nâest pas une question de rapport de force, câest une question de logique. Ce nâest pas par miracle que les prix sont considérablement moins élevés sur les hébergements cloud que dans les modèles externalisés classiques. Câest parce que les services sont conçus pour répondre à des niveaux standards et uniforme -sur une gamme donnée- en termes de sécurité, disponibilité, localisation des data center, réversibilité, etc.
Il faut donc raisonner à lâenvers. Pour une application donnée -par exemple la messagerie, un logiciel métier, voire une infrastructure- commençons par dresser la liste des besoins critiques en termes de ce qui est, dans le raisonnement classique, considéré comme un «risque»: sécurité, disponibilité, localisation des données, etc. Ensuite, établir une matrice de conformité entre ces besoins critiques et les offres proposées par le marché.
Si, pour le prix quâon est prêt à y mettre, il existe un gap entre le besoin et lâoffre, ce nâest pas sur le contrat quâil faut jouer pour corriger ce gap, mais sur lâanalyse du risque que lâentreprise est prête -ou non- à assumer. Le rôle du juriste, ici, est loin dâêtre négligeable: il consiste à assister les opérationnels dans la détermination des enjeux critiques et dans lâélaboration de la matrice de conformité avec les offres du marché.