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Géopolitique du numérique… Big Tech, nos nouveaux maîtres

Ophélie Coelho : "« Géopolitique du numérique : l’impérialisme à pas de géants »

Géopolitique du numérique… Big Tech, nos nouveaux maîtres

Avr 8, 2024 | Data Center | 0 commentaires

Voyage à la fois historique et géographique, le livre « Géopolitique du numérique : l’impérialisme à pas de géants » d’Ophélie Coelho nous donne à voir un nouveau théâtre d’opérations où, loin de l’utopie d’un internet sans frontières, l’impérialisme technologique avance à pas de géants.

Après avoir conquis la couche logicielle, c’est aujourd’hui sur la couche physique que les Big Tech étendent leur emprise. Data centers, câbles sous-marins ou satellites représentent ainsi de nouvelles prises de pouvoir, dont la territorialisation s’accompagne d’inquiétudes environnementales dans un monde qui se réchauffe. Face à des États dans l’impasse qui peinent à entrevoir les alternatives, le livre « Géopolitique du numérique : l’impérialisme à pas de géants » d’Ophélie Coelho pose les premières briques d’une politique de résistance destinée à contrer l’expansion monopolistique des Big Tech, où la seule liberté se confinerait à… « choisir ses maîtres ».

En trente ans à peine, les Big Tech sont devenus des forces déterminantes de la scène politique mondiale. Dans son livre, l’auteure -invitée des prochaines « Rencontres Stratégiques du Manager » (Luxembourg, 18 avril 2024) – en retrace les ressorts historiques et géopolitiques dans une synthèse claire et bien documentée.

Géopolitique du numérique, pouvoirs redistribués

D’une « Big Science » gérée par l’État, à l’image du projet Manhattan dont la finalité fut l’invention de la bombe atomique, on assiste à l’avènement d’une « Big Tech », soutenue par la recherche privée, dont la Silicon Valley est la vitrine. Tout s’est passé vite, presque subrepticement.

Ainsi, les pouvoirs sont redistribués « entre autorités publiques et acteurs privés », alors que les multinationales technologiques ont développé leurs propres formes de puissance, à la fois « relationnelles et structurelles ». Sauf en Chine, où l’État-parti fait en sorte de conserver le contrôle des entreprises technologiques privées œuvrant sur son territoire, limitant notamment ses dépendances aux technologies états-uniennes.

Mises en dépendances

Il n’empêche. Les plateformes numériques du monde occidental sont bien des acteurs géopolitiques transnationaux. Elles incarnent d’abord un technopouvoir, c’est-à-dire la capacité d’influencer les individus, les sociétés et les institutions grâce à leur maîtrise et leur utilisation des technologies. Mais elles savent également instrumentaliser les dépendances des entreprises et États à leur avantage. On peut, ici, parler de « mises en dépendances » techniques et infrastructurelles, à l’origine d’un renversement des rapports de force entre les États et les géants du numérique. Ce monopole numérique se double aujourd’hui d’une expansion territoriale, où la pression environnementale de l’activité numérique fait craindre de nouvelles tensions dans un monde qui se réchauffe.

L’exemple flagrant des câbles sous-marins

Ce nouvel impérialisme ne se traduit plus seulement par la mainmise des produits et services qui structurent l’espace en ligne. Il se prolonge dans une conquête infrastructurelle où les opportunités géographiques dictent leurs stratégies d’aménagement physique avec lesquelles les pouvoirs publics doivent composer.

Sur les ondes de France Culture, Ophélie Coelho évoquait récemment l’importance des câbles sous-marins. « je remarque une forme de politisation de cette infrastructure sur la scène internationale, à la fois par la mise à l’agenda de ces infrastructures au sein de l’OTAN, l’ONU ou l’Union européenne, mais j’observe aussi des positionnements plus forts d’Etats nationaux qui mettent en place des législations, des mesures pour restreindre ces infrastructures. Il y a là l’idée d’une volonté de contrôle ou de gouvernance globale. Et, en même temps, l’idée que cette infrastructure profondément stratégique, donc souveraine, doit avoir une maîtrise, une autonomie, à la fois avec ses acteurs privés et à la fois avec ses acteurs gouvernementaux»

Dans son livre, Ophélie Coelho explique précisément cette redistribution des pouvoirs entre acteurs étatiques et privés, la place des multinationales dans les relations internationales, puis la montée en puissance des Big Tech au XXIème siècle, notamment via des dépendances techniques, industrielles et informationnelles.

Ces nouveaux leviers de pouvoir rendent alors de plus en plus difficiles les efforts du régulateur, et permettent à ces multinationales du numérique de poursuivre leur expansion sans réel contre-pouvoir.

Des dangers, oui. Mais aussi des pistes pour y échapper

On l’a compris, GAFAM et autres Big Tech moins connus sont en train d’introduire des rapports de dépendance inquiétants. Producteurs de technologies stratégiques, ils sont aujourd’hui propriétaires de gigantesques infrastructures sur lesquelles reposent notre activité numérique, parmi lesquels les réseaux de câbles sous-marins représentés sur la couverture du livre.

Si l’autrice analyse les enjeux et les dangers de cette dépendance moderne, elle propose des solutions pour sortir de cette emprise, en tant qu’individus et en tant que société. Ce livre de référence en géopolitique du numérique offre à la fois une analyse aussi pointue qu’accessible… et des pistes pour se libérer de cet impérialisme insidieux.

Alain de Fooz

Géopolitique du numérique : l’impérialisme à pas de géants, Ophélie Coelho, Les Éditions de l’Atelier, 176 pages, 21 EUR – L’auteure sera l’invitée des 41e Rencontres Stratégiques du Manager de BSPK le 18 avril 2024 à Luxembourg. Renseignements : +352 691 27 07 17 ou info@bspk.lu

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