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Groupe Enovos : business «drives» IT

Groupe Enovos : business «drives» IT

A gauche, les «oranges»; à droite, les «bleus» : la holding opérationnelle Enovos International compte deux entités principales : Enovos l’«orange», le fournisseur d’énergie, et Creos la «bleue», le gestionnaire de réseaux. En fait, deux métiers distincts, deux entités aux attentes et aux obligations différentes. Et, néanmoins, jusqu’ici, une seule et même organisation IT pour les servir.

Un choix délibéré ? Mieux vaut y voir la résultante d’une organisation qui est issue de plusieurs acteurs, voici sept ans, après la fusion de Cegedel, Soteg et Saar Ferngas, des sociétés fort différentes les unes des autres, et qui rend sa référence à une régulation d’ordre publique dirigée à l’échelle européenne.

Enovos Luxembourg appartient à 100% à Enovos International, une holding dont le siège social se trouve à Esch/Alzette (Grand-Duché de Luxembourg). La société propose à ses clients professionnels, entreprises industrielles, PME, distributeurs ainsi qu’à ses clients particuliers, des offres combinant l’électricité, le gaz naturel, les énergies renouvelables et les services énergétiques. Enovos Luxembourg est également présent dans la production, opère dans plusieurs pays et agit exclusivement dans des marchés dérégulés.

Creos, le deuxième pilier du Groupe Enovos, gère, à Luxembourg et en Allemagne, des réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel dans un cadre clairement défini par un régulateur d’ordre public.

Ce qui veut dire, encore, que le Groupe Enovos a réussi le challenge d’être présent dans l’intégralité de la chaîne de valeur, allant de la production d’énergie jusqu’à l’approvisionnement du consommateur final.

Bref, deux missions différentes, et donc deux stratégies différentes, observe Guy Weicherding, CFO, Enovos Group : « Difficile, dans un tel contexte, de répondre aux besoins de tout un chacun. 1400 collaborateurs, c’est autant de points de vue et d’attentes ! Il y avait du pain sur la planche. »

QUESTIONS FONDAMENTALES. Devenu CFO en juillet 2012 après avoir été Deputy CFO pendant 2 ans, Guy Weicherding a pour première mission de donner une direction financière unique au groupe, s’assurer que les critères de rentabilité soient bien respectés et que les collaborateurs fassent bien l’analyse des risques qui y sont liés. Bref, au-delà des aspects purement comptables de sa fonction, le CFO assume un volet de risk management, y compris pour l’activité informatique qu’il représente au niveau du comité de direction d’Enovos International.

L’IT a été dans le passé un peu le parent pauvre du groupe, constate Guy Weicherding. Vision pas clairement définie, ressources insuffisantes. Qui plus est, elle est partagée entre les «oranges» et les «bleus»… La question qui se posait au niveau de l’IT était : que faire pour renforcer l’efficacité générale et pour satisfaire pleinement les différents besoins ? Toutes les pistes ont été envisagées. Y compris celle d’une externalisation complète -après tout, l’informatique n’était jusque-là pas le coeur de métier d’un fournisseur d’énergie!

Mars 2014 : Enovos donne à nGage Consulting la mission de réaliser un assessment des ressources IT du Groupe Enovos. Il apparaît rapidement que le département de l’IT est fort sollicité, voire trop par rapport aux ressources disponibles. Les projets ne peuvent que difficilement être réalisés dans les termes et conditions impartis.

Sur le radar, en effet, plus de 200 projets. Impossible de les mener tous à bien, de répondre aux attentes. A l’issue d’un processus de sélection, 20 projets seront retenus comme prioritaires… «C’est peu, nous en étions bien conscients, reconnaît Guy Weicherding. En revanche, plutôt que tenter de satisfaire le plus grand nombre, nous nous sommes engagés sur la réalisation de ces projets. Il nous fallait renforcer la confiance, avancer des gains. Et, par là, créer un cercle vertueux.»

MULTIPLES SCENARIOS. Nouvelle étape entre avril et novembre 2014 : résoudre la situation de façon durable. Pratiquement, cela revenait à s’attaquer à l’identification des enjeux majeurs et donc des besoins futurs, établir un lien direct avec les objectifs stratégiques, définir de nouveaux rôles et responsabilités et, enfin, redimensionner les ressources.

Avec Enovos, nGage Consulting envisage tous les scénarios de sourcing des ressources IT. Un prérequis s’impose : le business conduit la façon d’opérer. L’IT doit donc être le plus proche possible des métiers. De là, dans un schéma de type top down, l’importance de définir une vision, qui va cristalliser des objectifs, lesquels vont se concrétiser dans une roadmap et, enfin, des projets à inscrire dans un portfolio.

La proposition remonte au niveau du comité exécutif d’Enovos International. Six grands principes sont définis et acceptés. Ils forment les fondements de la nouvelle organisation. Le premier conforte le business dans son rôle de «driver» de l’IT. C’est donc le business qui définit le «quoi» et l’IT définit le «comment». Avec les nouvelles technologies et la demande naissante du « smart world », les données informatisées doivent être désormais vues, à côté de l’électricité et du gaz, comme le «third fluid». L’IT devient un cœur de métier du gestionnaire et du fournisseur d’énergie. Pour réussir le défi, et au vu de la dimension du Groupe Enovos, des synergies doivent être trouvées au niveau des services communs. Un prérequis est que l’IT doit être en mesure de prendre des engagements forts. D’où la décision de renforcer l’équipe IT de façon conséquente.

Restait encore à définir le modèle opératoire : une informatique centralisée pour servir Enovos et Creos ou une informatique décentralisée pour mieux répondre aux besoins des «oranges» et des «bleus» ? L’analyse a montré que la théorie du modèle unique, centralisé, s’oppose à la réalité des besoins. Là où Enovos a besoin avant tout d’agilité, Creos a besoin prioritairement de cohérence, les deux, bien-sûr, voulant toujours garder la maîtrise des coûts.

TROIS ENTITES, TROIS CIO, UNE INFRASTRUCTURE. C’est donc le modèle décentralisé qui sera retenu. Trois cellules Business-IT seront prochainement opérationnelles : elles serviront distinctement Creos, Enovos Luxembourg et Enovos International. Ce qui veut dire, aussi, trois CIO pleinement responsables de leurs applications et de leurs ressources. Tous les applicatifs s’appuieront sur une infrastructure hardware, les trois entités étant partenaires d’un système «core», commun, fort et rentable, mis à disposition par l’entité d’Enovos International.

«Nous sommes précisément dans cette troisième phase, qui s’achèvera cette année, commente Guy Weicherding. Les trois entités seront alors indépendantes, fortes de leurs propres ressources. Elles auront chacune notamment leur autonomie applicative, définiront leurs projets prioritaires et leurs roadmaps. En même temps, elles profiteront de ressources communes qu’elles pourront se partager – l’infrastructure (data centers, téléphonie, bureautique, …), mais aussi les logiciels de support pour les fonctions partagées comme SAP. L’IT du groupe agira alors comme un centre de services fédérateur, facturant ses prestations.»

A nouvelle organisation, nouvelle gouvernance. Les entités disposeront de leur budget, identifieront et planifieront leurs besoins en ressources, mais aussi en formations et en recrutements, voire en outplacement. Un nouveau départ, en somme.

Au-delà de l’exécution IT, il s’agit clairement de créer un nouvel avantage compétitif aux sociétés du groupe, de générer plus de flexibilité, plus d’agilité. Dans cet esprit, le succès de l’IT ne dépend plus uniquement du CIO. La fonction IT ne peut créer de la valeur seule, mais doit le faire conjointement avec le business. En somme, oublier qu’elle peut arriver à ses fins en imposant ses conditions. Au contraire, elle doit se mettre en position de prestataire et de facilitateur pour les métiers qui élaborent leurs propres stratégies et s’équipent eux-mêmes en fonction de leurs besoins.

Dans la nouvelle organisation, les «oranges», les «bleus» et la société-mère sont donc autonomes. En même temps, les trois cellules Business-IT se complètent, se renforcent et sont davantage impliquées dans la stratégie globale. Dans un monde en pleine transformation, estime Guy Weicherding, le CIO ne peut plus se contenter de faciliter et garantir l’accès à l’information : «Quel sens donner au ‘i’ du mot CIO : ‘information’ ou ‘innovation’ ? Personnellement, je pencherais pour ‘innovation’… Concrètement, et c’est la voie dans laquelle Enovos s’engage, les feuilles de route sont partagées, les prises de décision sont mutuelles et la conception devient collaborative.»

La transformation digitale ne peut s’opérer sans transversalité, confirme nGage Consulting. L’enjeu est de taille : en transformant les modes de travail et en fluidifiant les échanges entre IT et business, c’est l’organisation toute entière qui peut gagner en efficience et l’entreprise qui peut gagner en performance.

Alain de Fooz
Une bonne relation IT-business réside dans la capacité des acteurs à établir des relations durables et performantes

Rigides, lentes, opaques, coûteuses… Les critiques du business vis-à-vis de l’IT sont connues. Les récriminations de l’IT à propos du business le sont tout autant : attentes non fondées, projets -à livrer hier, bien entendu- mal définis… Rien de nouveau, observe François-Xavier Page, Managing Director, nGage Consulting. Mais plus question de se limiter au constat. «La valeur de l’entreprise est intimement liée aux bonnes relations entre IT et business. Il s’agit impérativement de trouver le chemin de l’efficacité.»

Au sein de l’exécutif de l’entreprise, l’IT est -trop souvent encore- perçue comme un centre de coût et non comme un levier de performance et de différenciation, observent les consultants de nGage Consulting. Pour preuve, la faible présence des responsables IT dans les instances dirigeantes. En même temps, paradoxalement, ces mêmes cadres dirigeants concèdent bien volontiers que le CIO représente un maillon essentiel du bon fonctionnement de l’entreprise !

«Une bonne relation IT-business réside dans la capacité des acteurs à établir des relations durables et performantes, au service de la réussite des projets et de la création de valeur», estime François-Xavier Page. Dans ses missions, nGage Consulting cherche à passer outre les frustrations, à favoriser l’implication, à encourager l’interaction. «Pour le CIO, c’est souvent une question d’alignement sur les objectifs business, tout en améliorant sensiblement les aptitudes de réactivité de ses équipes. Il ne s’agit plus d’interdire ou d’exiger et d’être l’empêcheur de tourner en rond, mais bel et bien de s’affirmer comme un véritable business partner.»

En contrepartie, les métiers doivent accepter qu’il puisse exister certaines règles essentielles. De là, la nécessité de communiquer sur la gouvernance de l’IT, la rendre lisible par tous et la faire valider par le comité exécutif. Il sera alors beaucoup plus facile d’expliquer certains choix. Méthode et pédagogie permettront de canaliser les directions métiers et de les sensibiliser sur certaines contraintes, en particulier liées à la gestion des risques et à la souveraineté du capital numérique de l’entreprise.

Pour François-Xavier Page, IT et business doivent se ré-inventer, définir ensemble de nouveaux modèles d’organisation et de gouvernance et porter ensemble la stratégie en pratiquant concrètement une co-responsabilité du système d’information. Ce qui suppose, au départ, une légitimité.

 

Guy Weicherding, CFO au sens large

Les chiffres, mais pas seulement.Directeur financier d’Enovos International, Guy Weicherding (54 ans) apprécie aussi les défis liés à la production. Après des études d’ingénieur commercial à Louvain-la-Neuve, dont il sort diplômé en 1985, il rejoint le groupe Arbed au niveau de l’entité Trefilarbed.

Un parcours de 20 ans avec, la plupart du temps, des fonctions de directeur financier d’unités opérationnelles ou de l’entité Trefilarbed elle-même. Au cours de cette longue première étape, il effectue une boucle de cinq ans aux États-Unis, en Arkansas, où Arbed a eu une nouvelle implantation en projet.

Arbed devenue Arcelor, Guy Weicherding se cherche de nouveaux défis. A Dudelange, le groupe canadien Husky, leader mondial dans la fabrication de préformes pour la production de bouteilles plastiques, détient deux unités de production. Une nouvelle voie pour le Luxembourgeois. Qui prendra en 2006 le contrôle des finances au niveau européen.

Août 2010, le groupe énergétique Enovos vient de se constituer un an auparavant. Adjoint au CFO pendant deux ans, Guy Weicherding devient CFO d’Enovos International en juillet 2012. Nouveau métier, nouveaux enjeux.

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Groupe Enovos : business «drives» IT
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Enovos et Creos... Deux sociétés pour deux métiers distincts, deux entités aux attentes et aux obligations différentes mais faisant partie d’un même groupe économique. Comment les satisfaire au niveau IT ? Comment, surtout, créer de la valeur ?
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