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«Mortelle transparence» : quand le tribunal du buzz cloue au pilori 2.0….

Big Data, Big Brother... et Big Problem ! Dans leur essai, «Mortelle transparence», Denis Olivennes, président de Lagardère Active et Mathias Chichportich, avocat, précisent la nature de Big Brother... notre invention à tous.

«Mortelle transparence» : quand le tribunal du buzz cloue au pilori 2.0...

«Mortelle transparence» : quand le tribunal du buzz cloue au pilori 2.0….

par | Mar 26, 2018 | Expérience | 0 commentaires

Big Data, Big Brother… et Big Problem ! Dans leur essai, «Mortelle transparence», Denis Olivennes, président de Lagardère Active et Mathias Chichportich, avocat, précisent la nature de Big Brother… notre invention à tous.

Une photo sur Instagram, un post sur Facebook, un commentaire sur Twitter… Nous voilà fiché, enregistré. Big Data, frère jumeau de Big Brother, veille sur nous et enregistre nos faits et gestes, mais peut aussi deviner nos prises de position, nos goûts et dicter nos envies. Longue est la liste des écrivains et penseurs qui, depuis Orwell, ont mis en scène, pour la dénoncer, la tyrannie de la transparence. La série «Black Mirror», par son intelligence, sa créativité et sa profondeur, n’est pas le moindre avertissement que la fiction donne à l’animal humain s’il veut persévérer dans son humanité et la maîtrise de sa vie.

Dans leur essai, «Mortelle transparence» (Albin Michel, 198 pages, 17 EUR), Denis Olivennes, président de Lagardère Active (presse) et Mathias Chichportich, avocat, précisent la nature de Big Brother. Son avènement est la conséquence non d’une catastrophe, mais d’une négligence culturelle et politique. «Rien ni personne n’a porté Big Brother au pouvoir, puisque Big Brother, c’est tout le monde, précisent d’emblée les auteurs. Ce sont les millions d’individus qui livrent tout de leurs vies, sans que personne ne les y oblige. Il s’agit d’une servitude ludique et volontaire qui nourrit les ordinateurs des GAFA.»

L’opinion majoritaire impose ses vues dans un tribunal instantané

Sur le plan médiatique, l’ouvrage ne pouvait pas mieux tomber : entre une polémique sur Facebook et son partenaire Cambridge Analytica et l’introduction GDPR, le nouveau règlement européen sur la protection des données, on comprend mieux comment la puissance de la société digitale décuple la pression exercée sur ceux qui en deviennent les cibles. Ces dernières sont alors conduites à se livrer à des exercices de contrition qui rappellent les formes médiévales d’humiliation publique ou les séances maoïstes d’autocritique. «L’opinion majoritaire impose ses vues dans un tribunal instantané qui fixe ses propres normes sans s’embarrasser des règles du procès équitable, écrivent Denis Olivennes et Mathias Chichportich. Le tribunal du buzz est né. Au sein de ce prétoire virtuel, pas de juge indépendant pour dire le droit ni d’avocat pour assurer le droit de la défense. Il n’y a qu’une seule règle : peu importe le contenu, c’est le nombre qui fait la valeur… et le nombre s’aligne sur la pensée dite conforme

Ce qui est dangereux dans cette affaire, c’est que demain matin, chacun d’entre nous peut se voir lapidé en place publique numérique pour une affaire qu’on a exhumée qui est vieille de vingt ans et qui en plus a été classée sans suite, renchérissent les auteurs.

Une menace sournoise qui pèse sur nos droits et sur notre autonomie

Oui à la transparence, mais jusqu’où ? Et, d’abord, qu’entend-t-on aujourd’hui par transparence? Quand un journal fait, après une enquête approfondie de plusieurs mois, des révélations sur les comportements d’un producteur américain à l’égard des femmes dans des dizaines et des dizaines de cas, alors que la justice ne s’en est pas saisie, c’est de la bonne transparence; c’est un travail approfondi qui permet de faire avancer les libertés et les droits. La mauvaise transparence, c’est une transparence qui jette par exemple l’opprobre sur une personnalité dont le nom est mis en pâture dans le tribunal du buzz, qui est cloué au pilori 2.0, accusé sans que l’on sache si c’est vrai ou faux, sans capacité de se défendre et dont la réputation sera entachée toute sa vie, puisqu’il n’y a pas -encore- de droit à l’oubli. Et cette prétendue transparence menace chacun d’entre nous !

«La quête actuelle pour l’hyper-transparence nous est apparue comme une menace sournoise qui pèse sur nos droits et sur notre autonomie.» Les auteurs décrivent la construction d’une maladie auto-immune : l’homme a créé les réseaux sociaux pour se rassembler et se retrouve à menacer ses idéaux, des idéaux acquis au fil du temps. Quand, au diktat de la transparence, s’ajoutent les effets pervers du progrès technique, c’est toute notre vie qui bascule. Peut-on encore inverser le cours des choses ? Ou sommes-nous condamnés à l’autodestruction de cette société de libertés que nous avons mis tant de temps à constituer ?

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