Le big data modifie les marchés, les chaînes de valeur, la manière de travailler et de penser. Face à ces changements, les structures doivent s'adapter en permanence. Cela nécessite de transformer les visions managériales, estime Yves Caseau, Head of Digital and Innovation, AXA Group. C'était le 1er décembre 2015, lors de la 9ème édition du Gala IT One, à l'Alvisse Parc Hôtel. Thème de l'après-midi : «Le côté obscur de la force du big data».

«Le big data ouvre des horizons insoupçonnés. Et cela dans tous les domaines. Il ne s'agit plus aujourd'hui, pour les entreprises, de savoir si x ou y est abonné chez tel ou tel opérateur, mais bien de connaître ses goûts, ses envies, les groupes de personnes ayant des intérêts communs, les industries culturelles et créatives; nous entrons au coeur d'un écosystème extrêmement riche en données.»

On l'a compris, la valeur est dans les données, pas dans les algorithmes. Les données ont une valeur marchande, elles deviennent matière première. Elles ont aussi une valeur de levier : les organisations l'agrègent et la collectent afin de réduire leur coût. Et elles ont une valeur d'actif : les organisations qui détiennent des données peuvent prendre ou défendre une position grâce à celles-ci. On peut citer l'exemple de Nest, thermostat connecté racheté par Google qui produit en continu des données sur les foyers, complétant les données produites sur ses plateformes numériques par exemple.

«Longtemps, on a mouliné des quantités de données très structurées, quantitatives, à l'intérieur de l'entreprise… jusqu'à l'irruption des données déstructurées venant des réseaux sociaux, des mobiles ou plus simplement des consultations internet des consommateurs en situation. A partir de là, tout devient possible, explique Yves Caseau.

On peut aujourd'hui produire à toute vitesse des milliards d'informations qui en disent long sur les comportements et intentions du client. Souvent, d'ailleurs, en dehors des systèmes informatiques classiques. 

Aussi, notre relation aux données est en train de changer. Si, de fait, elles constituent un actif stratégique, encore faut-il rester conscient que leur valeur peut tout autant se concrétiser ou se déprécier très rapidement. Ne négligeons pas la volatilité et l'aspect éphémère de certaines données, qui accélèrent leur péremption -c'est notamment le cas des données événementielles et des données de et de géolocalisation.»

Le big data a donc un impact déterminant sur la transformation des modèles économiques de nombre d'entreprises dans la mesure où il induit des changements importants dans toutes les facettes de l'organisation : marketing, vente, production, logistique, finances, etc. Le big data oblige donc de casser les organisations en silo; il transforme aussi les processus de décision puisque le pilotage de l'entreprise se nourrit de nouveaux indicateurs.

«On peut réellement parler de de paradigme. Ainsi, le big data accélère -notamment- notre passage de l'économie de l'attention à l'économie de l'intention. Dans l'économie de l'intention, les acteurs qui comptent le plus sont les consommateurs qui sont aussi clients, parce qu'ils ont de l'argent qui est prêt à être dépensé, et qu'ils ne sont pas seulement des consommateurs dont c'est l'attention et uniquement l'attention qui est vouée à être vendue à des équipes de marketing.

Dans le passage d'une économie de l'attention à une économie de l'intention, nous passons d'un système de type ‘push' à un système de type ‘pull' dans lequel c'est la demande qui prend la main. Dans un sens, oui, c'est une révolution, avec des technologies qui s'appuient sur cette dynamique naissante et qui façonnent différentes relations entre les vendeurs et les clients.»

Le métier d'assureur sera impacté -comme les autres, tous les autres. Aux assureurs de voir plus loin que les informations qu'ils possèdent. AXA l'a bien compris : l'or noir du big data est à l'extérieur des murs -ce sont l'ensemble des informations externes au système d'information sur lesquels il devient possible de s'appuyer pour effectuer des analyses jusque là inenvisageables. Recueillies dans de grands «data lakes» comme l'on puise le pétrole dans les sous-sols, les données sont une matière brute autant utile pour enrichir la connaissance client que pour développer la science du risque, estime encore Yves Caseau. A condition de rester vigilant. Le vrai danger consisterait à prendre l'habitude d'utiliser des informations externes sans en mesurer toutes les implications économiques. En d'autres termes, l'or noir des données sera bientôt sinon une matière rare, au moins une ressource disputée.