Les mauvais signaux de SignalFire, un avertissement pour nos entreprises ?

Jamais le recrutement de juniors diplômés dans la tech n’a été aussi bas. Un effondrement de plus de 50 % depuis 2019 selon le rapport State of Talent 2025 de SignalFire. La situation aux Etats-Unis se reproduira-t-elle chez nous 

Le déficit de talents dans le secteur technologique se creuse : les recrutements de jeunes diplômés chutent. Le constat de SignalFire est sans appel : le recrutement des débutants s’effondre ; une mutation générationnelle du recrutement laisse les jeunes diplômés sur le carreau ; les laboratoires d’IA d’élite captent et fidélisent les meilleurs talents et les pôles géographiques de pouvoir évoluent rapidement.

Une génération perdue de la tech ?  Le monde de la tech a longtemps été synonyme d’innovation, de croissance fulgurante et d’opportunités illimitées. Autrefois, la porte de la tech s’ouvrait grande ouverte aux nouveaux diplômés. Aujourd’hui, elle est à peine ouverte, notent les auteurs du rapport State of Talent 2025. L’obsession du secteur pour le recrutement de jeunes diplômés prometteurs dès leur sortie de l’université se heurte à de nouvelles réalités : levées de fonds plus limitées, équipes en diminution, programmes pour jeunes diplômés moins nombreux et essor de l’IA.

Utiliser des IA plutôt qu’embaucher

Le constat repose sur la plateforme Beacon AI sur laquelle plus de 650 millions de professionnels et 80 millions d’organisations sont suivis. « Tout le monde a été touché en 2023, mais si les embauches ont rebondi en 2024 pour les postes de niveau intermédiaire et supérieur, la baisse continue de s’accentuer pour les jeunes diplômés », note SignalFire.

Dans les Big Tech, les jeunes diplômés ne représentent plus que 7 % des recrutements, soit une baisse de 25 % par rapport à 2023 et de plus de 50 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie de 2019. Dans les startups, les jeunes diplômés représentent moins de 6 % des recrutements, soit une baisse de 11 % par rapport à 2023 et de plus de 30 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie de 2019.

Aux Etats-Unis, les dernières données de la Réserve fédérale de New York montrent que le taux de chômage des jeunes diplômés a augmenté de 30 % depuis son point bas de septembre 2022, contre environ 18 % pour l’ensemble des travailleurs. L’écart de perception n’arrange rien : 55 % des employeurs affirment que la génération Z a des difficultés à travailler en équipe. Pis : 37 % des managers ont déclaré préférer utiliser l’IA plutôt que d’embaucher un employé de la génération Z. « Même les meilleurs diplômés en informatique ne sont pas épargnés, commente SignalFire. Face à la baisse de la demande pour les postes juniors, même les ingénieurs diplômés hautement qualifiés peinent à percer dans la Tech, en particulier dans les grandes entreprises technologiques comme Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, NVIDIA et Tesla. »

Le recrutement de la génération Z sensiblement freiné

L’IA est souvent accusée d’avoir éliminé les postes juniors après 2022, mais la réalité est plus nuancée. Certes, l’automatisation remplace déjà certaines tâches routinières, mais le principal facteur pourrait être la fin de la « frénésie de l’argent gratuit » alimentée par les faibles taux d’intérêt observés entre 2020 et 2022, ainsi que par le sur-embauche et l’inflation qu’elle a entraînés. « Aujourd’hui, avec des budgets plus serrés et des délais d’exécution plus courts, les entreprises recrutent plus lentement et plus tardivement. »

Cette évolution ne se résume pas à une réduction des embauches, mais à une refonte du recrutement. Alors que les outils d’IA prennent en charge des tâches de plus en plus routinières et de niveau débutant, les entreprises privilégient les postes à fort potentiel technique. Les grandes entreprises technologiques redoublent d’efforts en matière d’apprentissage automatique et d’ingénierie des données, tandis que les fonctions non techniques comme le recrutement, les produits et les ventes continuent de diminuer, ce qui rend particulièrement difficile pour la génération Z et les talents en début de carrière de percer.

Le paradoxe de l’expérience

Il ne s’agit pas seulement d’un ralentissement des embauches, mais d’une évolution des attentes. Aujourd’hui, les employeurs du secteur technologique ne recherchent plus le potentiel, mais des preuves. Les jeunes diplômés se retrouvent donc dans une situation inextricable : il faut de l’expérience pour obtenir le poste, mais il faut le poste pour acquérir de l’expérience.

Dans un monde où les équipes sont réduites et les budgets serrés, il y a peu de place pour investir dans la formation. La pénurie de nouveaux talents s’accentue, créant une concurrence féroce pour les rares postes de débutants restants. La cruelle ironie du sort ? Les entreprises publient des postes juniors, mais les pourvoient avec des indépendants expérimentés -un phénomène connu sous le nom de « paradoxe de l’expérience ».