Greenhushing, ce curieux « écosilence »

Fév 26, 2024 | Workplace | 0 commentaires

Le greenhushing consiste pour les entreprises à revenir sur leurs ambitions vertes proclamées de crainte d’être trainées en justice pour être incapables de les respecter. On peut à la fois s’en réjouir… et le déplorer.

Le greenhushing après le greenwashing. Dans tous secteurs confondus, certains acteurs en première ligne se rendent compte qu’ils en ont trop dit. Dans l’IT aussi. Le greenwashing – la communication à outrance visant à faire passer pour verts, durables et vertueux les produits et les stratégies des entreprises – est tellement omniprésent qu’on a fini par ne plus le percevoir. Pourtant, il est en plein reflux. Place au greenhushing. Soit l’« écosilence ». Pour les entreprises, cela revient à revenir sur leurs ambitions vertes proclamées de crainte d’être trainées en justice pour être incapables de les respecter. On peut à la fois s’en réjouir -la communication a des limites- et le déplorer.

Il faut dire que le nombre de dossiers portés en justice en raison de communications environnementales trompeuses n’a jamais été aussi élevé. En mai dernier, la compagnie Delta était poursuivie en justice après avoir affirmé être la « première compagnie aérienne neutre en carbone ». Il pourrait en aller de même pour certains géants du cloud, voire de grands acteurs du data center. Tout pourrait s’accélérer. En septembre dernier, la Commission européenne s’est engagée dans le bannissement des allégations environnementales génériques sans preuve…

Un silence plutôt pesant

Finies les paroles sans actes ! Il ne s’agit pas pour autant d’un renoncement. Selon le cabinet South Pole, qui vient d’interroger 1.400 entreprises, trois sur quatre ont déclaré consacrer plus d’argent qu’auparavant aux efforts visant à réduire leurs émissions de carbone. En revanche, elles en parlent moins. Un mieux, vraiment ? ce n’est pas sûr, estime le cabinet spécialisé dans la transformation de l’action climatique. Le rapport suggère que ce nouveau silence pourrait empêcher de véritables progrès en matière de changement climatique. Il pourrait diminuer la pression sur les grands émetteurs qui sont déjà à la traîne.

Aujourd’hui, les entreprises les plus engagées dans la lutte contre le changement climatique seraient même en première ligne ! Sur le panel étudié par South Pole, 88 % des firmes proposant des services environnementaux ont reconnu réduire leurs messages sur leurs objectifs climatiques. En même temps, 93 % ont déclaré qu’elles étaient en bonne voie pour atteindre leurs objectifs…

Cacher ce que l’on fait est contre-productif

Les raisons ?  Outre le contexte économique et donc les difficultés à investir davantage, les entreprises citent une surveillance accrue. Celle-ci est le fait tant des investisseurs que des clients et des médias. Parmi toutes les entreprises qui ont admis avoir adopté une approche écologique, plus de la moitié ont cité l’évolution de la réglementation comme raison pour laquelle elles ne parlent pas de leurs engagements en matière de climat. Certaines entreprises ont également évoqué le manque de données suffisantes ou de directives claires du secteur.

C’est regrettable, conclut South Pole. Cacher ce que l’on fait -ou ne pas -de manière de manière visible peut freiner les autres. Cette tendance pourrait également réduire le partage de techniques et de bonnes pratiques de décarbonation. En cette matière, l’entraide pour réduire les émissions est nécessaire.

Vers une divulgation sélective

Bref, du fait même des législations nationales et européennes, les entreprises sont plus réticentes à communiquer. Le phénomène serait, comparativement au reste du monde, très net en Europe.

Pour Deloitte, il y a un équilibre est à trouver. Et de le définir comme le juste rapport entre transparence et silence. Lequel implique inévitablement une divulgation sélective, dans laquelle les entreprises ne dévoilent que des informations qui ont été rigoureusement vérifiées capables de résister aux contrôles de conformité. Cette stratégie devrait renforcer leur crédibilité écologique.

Y arriverons-nous ?