Travail hybride, la grande réévaluation

Jan 21, 2022 | Workplace | 0 commentaires

De la Great Resignation américaine à la grande réévaluation. Cette crise sanitaire est un marqueur. Nos entreprises sauront-elles reconsidérer la relation au travail ?

« Une réévaluation de la relation au travail s’impose. Imaginer que l’on reviendra au travail ‘comme avant’ est un leurre. Cette crise sanitaire fait fonction de marqueur. Et force est de constater que peu d’entreprises sont prêtes à faire l’exercice. Pour preuve, elles envisagent toujours le télétravail sous l’angle de la contrainte légale ! »

Pour Yves Steinbusch, fondateur de YeS Sales & Management, le battage autour d’une démission massive ou d’un exode massif des travailleurs est peut-être exagéré. N’empêche. La fameuse Great Resignation révèle un changement majeur. A savoir une nouvelle normalité émergente. Nombreux, aujourd’hui, sont ceux qui réévaluent leur vie professionnelle, sans compter ceux qui ont un travail pénible avec des horaires compliqués. Cela touche différentes couches de la société. Il s’agit de les entendre…

Redéfinir la relation au travail

Cette « grande démission », qui s’exerce depuis la pandémie, est devenue virale sur les réseaux sociaux. Elle exprime à la fois le ras-le-bol et la quête de sens de millions de travailleurs. Si, en Europe, un tel phénomène n’est pas encore visible, le boom des ruptures conventionnelles et la pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs sont autant de signes avant-coureurs. C’est vrai dans de nombreux secteurs, comme les soins de santé, l’hôtellerie, la restauration…

Si ces deux ans ont prouvé que le travail hybride ne s’accompagnait pas d’une perte de productivité et qu’une méthode de travail plus inclusive et plus flexible étaient possibles, le défi pour les dirigeants est ailleurs. En deux mots : comment redéfinir la relation au travail ? On parle bien de réévaluation. La flexibilité et les modèles de travail hybrides ont créé de nombreuses opportunités pour les travailleurs et les entreprises. La plupart des gens estiment que leurs compétences numériques, leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, leur capacité à s’occuper des autres et la confiance qu’ils ont dans leur travail se sont améliorées. « Tant mieux ! Il s’agit d’en tenir compte, estime Yves Steinbusch. Et donc attirer, engager et retenir les collaborateurs autrement, sur de nouvelles bases. Il reste à voir si nos entreprises sont prêtes à cette réflexion… »

Changer de modèle

Pour YeS Sales & Management, il s’agit d’aider les dirigeants à passer à un système dans lequel la performance est jugée sur les résultats plutôt que sur le nombre d’heures prestées. « L’important, désormais, n’est plus de prester, mais de délivrer, commente Guillaume Feller, Project Manager & Technical Business and IT Consultant, YeS Sales & Management. Que je sois au bureau chez YeS, dans celui d’un client ou au garage, où je viens de déposer ma voiture à l’entretien, peu importe. Je serai jugé sur la qualité de ma prestation. » C’est très net dans l’IT. Un analyste ou un développeur peuvent fort bien travailler de l’extérieur.

Le management « taylorien » reposant sur la discipline, la contrainte et le contrôle a vécu. Le distanciel l’a tué. On se dirige vers un management de soutien professionnel, reposant sur la confiance, la délégation de responsabilité, l’autonomie, l’initiative et le respect de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. En théorie, du moins. « Si les entreprises sont promptes à implémenter les outils nécessaires au travail hybride, elles sont encore réticentes dans l’organisation, constate Yves Steinbusch. Sans l’avouer, beaucoup espèrent revenir à la situation d’avant crise, apparemment plus rassurante. De là, l’importance de cette réévaluation.»

Confiance et non contrôle

On l’a compris : on n’attire plus les candidats avec un baby-foot ou une salle de gym ! Dans le domaine du consulting, c’est l’intérêt des projets qui motive… les valeurs et la vision de l’entreprise plus que l’argent et les avantages comme a pu l’être la voiture. La pandémie a accéléré le basculement. « Les dirigeants détiennent la clé pour reconnecter les travailleurs à l’entreprise ; leur prise de conscience est absolument nécessaire pour la cohésion de l’entreprise, poursuit Guillaume Feller. Cela signifie renforcer le sentiment d’appartenance, l’adhésion, la cohésion, seuls moyens de générer la confiance. »

Confiance et non contrôle. Selon une étude de Vanson Bourne pour le compte de VMware, près de deux entreprises sur trois prévoiraient ou auraient déjà adopté des outils visant à renforcer la supervision de leurs salariés en télétravail. Vérification au niveau du courrier électronique, des outils de collaboration, consultation d’Internet, voire traçabilité des contacts… Danger ! Yves Steinbusch : « Un manque de transparence ou un système d’évaluation de la productivité, qui se contenterait de chiffres bruts sans faire preuve de discernement, pourrait rapidement nuire à la confiance… et pousser les collaborateurs à partir. Ne perdons pas de vue que le rapport de force entre employés et employeurs s’est inversé : ce sont désormais les entreprises qui sont demandeuses ! »

Un cercle vertueux autour de la confiance

C’est donc l’ensemble du lien de confiance entre le collaborateur et son employeur qui doit être revisité, voire réinventé. A fortiori dans le monde de la technologie. N’oublions pas qu’il y a plus d’offres d’emplois que de candidats. « Imposer le télétravail comme nos organisations ont été amenées à le faire ne consiste donc pas à adopter une nouvelle pratique qui serait en disruption avec l’environnement de travail ‘normal’, mais à étendre une pratique courante à un nouveau contexte qu’est celui de la pandémie de Covid-19, estime Guillaume Feller. Pour que la même pratique puisse s’établir avec succès, en profondeur et dans la durée, il convient prioritairement d’inverser le cycle de la méfiance en un cercle vertueux autour de la confiance ; confiance dans le télétravail, mais surtout, confiance les uns envers les autres. »

Pour Yves Steinbush, la croissance d’une entreprise vient de sa capacité à attirer, mais aussi, et surtout, à retenir les talents. « Or, de nombreuses entreprises ne savent pas comment faire… et continuent à penser que si un employé démissionne c’est qu’il n’a pas l’état d’esprit de son futur ancien employeur !»

Une réévaluation de la notion d’autonomie

Avec ses consultants, YeS Sales & Management invite les entreprises qui le souhaitent à reconsidérer la relation au travail. Chaque manager, selon sa personnalité, ses responsabilités, ses équipes et désormais son cadre de travail sera tôt ou tard appelé à réfléchir à la question. « Dans un contexte de télétravail, le risque majeur est de tomber dans le micro-management qui consiste à vouloir tout garder sous contrôle sans rien déléguer et, ainsi, de risquer de créer volontairement ou non des situations de tension qui entraineront obligatoirement des démissions et donc, à terme, une moins-value pour la société, poursuit Yves Steinbusch. Or, dans un contexte de télétravail, le manager a besoin de s’appuyer sur la capacité de ses collaborateurs à prendre des initiatives ou à résoudre certaines problématiques en toute autonomie… »

Non, le travail à distance n’est pas antinomique avec le lien social, la proximité, la confiance, la collaboration, l’innovation et la créativité… « C’est affaire d’audace et de volontarisme pour faire tomber les barrières -plus culturelles que techniques. Celles-ci, trop nombreuses, entravent encore le développement des pratiques propres au futur du travail. Une réévaluation s’impose. Dans le cas contraire, la sanction risquera d’être sans appel ! »